En ce début d’année en guise de vœux, je suis heureuse de vous annoncer que l’université des patients va publier prochainement les résultats préliminaires de son évaluation. Celle-ci montre que 30 % des malades qui ont suivi nos cursus se sont vus proposés du travail et qu’un autre tiers a pris des responsabilités dans les associations.
On observe aussi une amélioration du degré de confiance en soi, l’amélioration des relations avec les soignants, et une meilleure compréhension déclarée de la notion de capacité à aider autrui. Les diplômes longs (master) ont un impact plus grand en termes d’employabilité que les DU. En revanche on obtient les mêmes résultats dans les DU et Master pour ce qui concerne « les changements entrepris », et l’amélioration de la qualité de vie perçue.
Après quatre ans et plus de soixante quinze étudiant(e)s diplômé(e)s, nous pouvons démontrer la pertinence de l’initiative consistant à inclure des malades chroniques dans les formations diplômantes en éducation thérapeutique. L’université des patients est un dispositif parmi d’autres de qualification sociale ayant recours à la validation par des diplômes ou des certificats universitaires. Donner accès aux malades à des enseignements universitaires innovants constitue une des réponses aux enjeux de la démocratie sanitaire.
L’université des patients est un acteur dans la recherche d’innovations relevant de la logique métier au sens où les malades chroniques comme tout citoyen sont en droit d’utiliser l’université pour se redéployer dans le monde de l’éducation et de la formation des adultes.
La formation des malades ne peut plus être considérée comme une action caritative, elle comporte des fonctions sociales et économiques. Elle a intérêt à se distinguer des usages sociaux de la notion d’éducation des malades qui tend à maintenir le malade dans les contours de sa définition médicale avec une intention adaptative de plus en plus affirmée allant même jusqu’à penser que cette acceptation est la gageure du succès thérapeutique. Le problème ne vient pas de la médecine ou des médecins, il vient de l’incapacité de nos sociétés à penser le malade autrement qu’en termes psychosociaux défectifs. À ce titre les programmes d’éducation sont en miroir avec les représentations sociales de la maladie, réduisant inéluctablement le malade à son statut de malade et le privant des accès à tous ses autres statuts sociaux. Il ne faudrait pas laisser l’éducation des malades s’installer dans une approche curative cognitiviste visant à mettre l’accent sur une éducation ayant pour intention première, par le biais de l’usage de modèles caritatifs psychologiques, de remédier aux dysfonctionnements. On observe un brouillage de plus en plus épais au niveau des missions de l’éducation thérapeutique, de ses objectifs des dispositifs, des pratiques pédagogiques adoptées.
L’université des patients entame sa deuxième étape en 2014. Il s’agit d’ouvrir de nouveaux cursus universitaires y compris en partenariat avec d’autres universités en France et dans le monde ayant pour objet la création de cycles d’études centrés sur la formation des malades à l’usage des outils de la démocratie sanitaire. Il s’agit de doter les malades de savoirs théoriques et de savoirs d’action leur permettant d’exercer pleinement les fonctions et les missions dévolues aux usagers citoyens à la prise de décision en santé. En ce sens l’université des patients désire répondre par des formations certifiantes, diplômantes ou qualifiantes aux besoins repérés en termes de formation des représentants d’usagers. Notre offre universitaire mobilise d’autres théories du développement que celles qui dominent les représentations sociales des malades. Elle s’inscrit dans la volonté nationale de réduction des inégalités face aux apprentissages, tout en démontrant l’impact de la formation sur la transformation des individus et de la société quand elle s’inscrit délibérément y compris dans ses options pédagogiques dans une éthique citoyenne et solidaire facilitant aux malades l’accès concret à l’université dans des domaines qui les intéressent et les concernent au plus haut point.
Catherine Tourette-Turgis