La promotion 2024 des nouvelles docteures et nouveaux docteurs de l’Alliance Sorbonne Université porte le nom de Catherine Tourette-Turgis. Samedi 15 juin 2024, une cérémonie réunissait 1041 diplômé·es de la Faculté de Lettres, la Faculté de Santé et la Faculté des Sciences et Ingéniérie de Sorbonne Université, de l’Université de technologie de Compiègne, du Muséum national d’Histoire naturelle et de l’INSEAD.
Cette cérémonie fut ouverte par Nathalie Drach-Temam, présidente de Sorbonne Université :
« Notre société a plus que jamais besoin de sens et de science. Elle a donc plus que jamais besoin de vous, en tant que citoyennes et citoyens éclairés ! En cela, suivez l’exemple de votre marraine, dont la trajectoire illustre le rôle de l’université dans la société : accueillir, outiller et semer des principes féconds, sources d’autonomie. »
C. Tourette-Turgis a poursuivi en transmettant quelques messages aux nouveaux docteur·es :
« Cette jeune génération que j’aime, que j’écoute et pour laquelle j’aimerais me rendre utile pour qu’ils et elles continuent d’inventer le monde dans lequel elles, ils ont envie de vivre… »
En voici quelques extraits :
« Chères docteures et chers docteurs
J’ai préparé quelques messages à votre intention et je vais vous dire un petit peu ce que le passage par une université peut permettre à une vie, à un projet, à des valeurs… Je fais partie des personnes qui se sont saisis de l’institution universitaire pour la faire bouger dans ses cadres et une chose qu’il ne faut pas oublier c’est que non seulement nous devons prendre soin de nos institutions mais que prendre soin d’une institution d’état parfois c’est aussi la transformer. (…)
Mon objet principal de travail, c’est l’approche capacitaire des vulnérabilités. L’Université des Patient·es fait travailler ensemble deux termes qui ne sont pas intuitivement accolés. Ces deux termes parlent de la nécessaire émancipation des acteurs les plus faibles. Ils reconnaissent le postulat selon lequel nous sommes dotés de droits, de devoirs, de libertés et de vulnérabilités. (…)
Je me trouvais l’été 1984 à San Francisco quand j’ai découvert l’épidémie de VIH SIDA, j’ai obtenu mon premier poste de maître assistante à la fin de l’été et là, tout a basculé pour moi, car ma hiérarchie académique de l’époque m’a dit que le sida n’était pas un objet scientifique, (effectivement, nous ne disposions pas de revue de littérature, ni de manuels de bonnes pratiques ! )
Mais la tragédie qui se déroulait sous nos yeux était néanmoins la mise en œuvre opérationnelle de concepts, de principes, de postulats, de pratiques institutionnelles inacceptables. Étant aussi jeune psychanalyste, j’ai travaillé à l’édification contre vents et marées d’une clinique de l’accompagnement, le counseling, je me suis rendue utile en me disant que j’avais ce devoir et que si je n’avais pas le droit de faire de la science, je ferais de l’accompagnement. (…) J’ai vu comment la vulnérabilité pouvait être une force mobilisatrice quand elle prenait la forme d’un engagement collectif puissant. (…)
Mais ce que je veux vous dire aujourd’hui, c’est à quel point je suis émue d’être avec vous et à quel point vous êtes la génération que j’aime, la génération que j’écoute et la génération pour laquelle j’aimerais me rendre utile. Vous êtes notre avenir, vous êtes l’avenir du monde, enseignez-nous comment on peut encore vous être utile, comment on peut aider celles et ceux d’entre vous qui veulent inventer le monde dans lequel elles, ils ont envie de vivre. J’ai la chance de me trouver dans une vie très peuplée, car on oublie trop souvent que ce qui compte dans une vie, ce sont celles et ceux qui sont là. Je veux parler des personnes avec qui l’on vit, les personnes avec qui l’on travaille, les personnes dont on dépend, les personnes qui portent les institutions dans lesquelles on intervient comme aujourd’hui et aussi les personnes qui sont loin, qui ont disparu, mais qui sont présentes en nous, et les autrices, les auteurs, les textes, les concepts, les structures y compris psychiques qui organisent notre espace cognitif, affectif, social et politique, je vous remercie. »